Lors d’une conférence donnée dans le cadre de la 17ᵉ édition du Festival international de la bande dessinée d’Alger (FIBDA), la chercheuse américaine Alexandra Gueydan-Turek, spécialiste de la littérature moderne et de la bande dessinée dans le monde arabe, s’est arrêtée, samedi 4 octobre 2025, sur le phénomène du « manga algérien », qu’elle considère comme un art doté de traits locaux marqués, malgré son recours aux techniques narratives et graphiques japonaises. Selon elle, ce genre de création n’est pas une imitation de la culture de l’autre, mais une expression authentique de l’identité algérienne à travers un langage visuel universel, concept qu'elle appelle la "Golcalisation" (une contraction de global et local).
L'universitaire, qui vient au FIBDA pour la troisième fois et qui a été honorée lors de la cérémonie d'ouverture, a également relevé les échanges culturels entre artistes de la région, saluant la coopération entre Algériens et créateurs étrangers. Elle estime que de telles rencontres contribuent à façonner un paysage artistique cohérent où les identités se croisent, tout en affirmant la place de l’Algérie sur la carte mondiale de la bande dessinée.
La chercheuse a insisté sur le fait que tout art, quels que soient ses origines, peut se transformer en un langage local dès lors qu’il s’imprègne du quotidien de la société qui l’adopte. Dans cette perspective, le manga algérien réinvente l’expérience visuelle pour servir des causes et des thématiques propres à l’Algérie. La langue, la réalité sociale et l’arrière-plan culturel en font un moyen d’expression original qui traduit l’Algérie d’aujourd’hui.
Elle a évoqué sa propre expérience avec ce domaine, rappelant avoir mené deux études académiques sur le manga algérien. La première a abordé le concept de « mondialité locale » à travers deux œuvres, « Nour el-Mouloud » de Hanan Belmedioni et « Degga » de Natsu, qui empruntent aux techniques japonaises du manga mais s’ancrent dans des contenus purement algériens, reflétant la mémoire collective et l’expérience quotidienne. La seconde s’est intéressée aux représentations du genre à travers l’œuvre « Nahla et les Touareg », dans le but de comprendre la manière dont sont abordées les questions de masculinité et de féminité dans un contexte visuel algérien contemporain.
Alexandra Gueydan-Turek a, en outre, souligné l'importance de la traduction, qui n’est pas seulement un outil de médiation, mais aussi un moyen de valoriser la spécificité de l’expérience algérienne et de la projeter vers l’international, d’autant que l’intérêt des universités américaines pour l’étude de la bande dessinée algérienne est en constante croissance.